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mardi 27 octobre 2020

Côte Vermeille sous l'occupation

QUAND  LA  CÔTE  N’ÉTAIT  PAS  VERMEILLE …

                …Sous  l’occupation  allemande ! Armand Aloujes

Nous étions à l’automne de 1942. Une de ces belles journées d’automne, comme il y en a souvent, sur notre Côte vermeille, chaude et ensoleillée. Ce jour là, je revenais de Port-Vendres, seul, n’ayant pas retrouvé mes parents sur les quais. La nationale 114, n’était pas trop fréquentée par des voitures à l’époque. Il n’y avait pas danger, pour un enfant que j’étais, d’emprunter cette voie. Arrivé à la hauteur du lieu-dit « Els Olis », quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver des chars, des voitures blindées, side-cars, amphibies, motos, que sais-je encore ! Tous ces véhicules, de couleur verte foncée, défilait là, devant moi, venant de je ne sais où. ! A leur bord, des militaires, ça ne faisait pas de doute. J’étais très jeune à l’époque et ne comprenait pas, l’importance de l’événement. Ce fut un groupe de deux ou trois personnes, qui se trouvait là, qui m’a interpellé. L’homme du groupe, s’approcha de moi, et crut devoir m’expliquer : « Tu vois petit, regarde bien ce que tu vois aujourd’hui, et surtout, ne l’oublie pas. Ces soldats qui arrivent, sont nos ennemis, les ennemis de la France, des Allemands. Ils viennent occuper notre pays. Rappelle-toi bien de cela. Il est vrai, que dans me tète de jeune garçon, j’éprouvais surtout un sentiment de curiosité. Des allemands, Baht ! J’en avais entendu parler à la maison. D’ailleurs, mon père avait fait la guerre de 14-18. A l’école, on nous avait bien dit, que la France était à moitié occupée par ces troupes, mais cela, me paraissait tellement lointain ! Voici que ces troupes d’occupation, arrivaient désormais chez nous.         Groupe de militaires allemands, à droite Collioure.

Ce n’est donc pas le hasard, qui a déclenché cet événement, car le 8 novembre 1942, les alliés débarquent en Algérie. Ainsi les allemands décidaient d’occuper la zone dite « Libre » le 11 novembre 42 ( ?). La flotte française de Toulon se saborde le 27 novembre. L’amiral Darlan, président du conseil supérieur de l’empire français, indécis sur le choix du camp, est assassiné le 24 décembre. L’armée française, dite, » d’Armistice » est réduite et sous la dépendance de l’ennemi. Pétain, qui avait crée sa « Révolution Nationale » et fait don de sa personne, s’était fait 

l’illusion de croire, qu’en signant l’armistice, il rendrait l’occupation plus supportable. Hélas ! Les classes de 40-41-42, après les chantiers de jeunesses, furent contraintes d’aller travailler en Allemagne. Comme S.T.O le 17 février 1943. Certains, répondant à l’appel du 18 juin 1940 de Charles De Gaulle, s’évadent, via l’Espagne, pour rejoindre l’Angleterre. D’autres, se battent dans le maquis, désormais organisé un peu partout.

Dans le village, à Collioure, un drôle d’ambiance règne à mon arrivée. Déjà, des véhicules de toutes sortes, ont envahi le centre ville. Des soldats, aux, aux longs imperméables verts, avec casques et lunettes, sillonnent les rues de l’agglomération, avec leurs grosses motos. Par leur attitude, on voit bien qu’ils se sentent en pays conquis et sans complaisance pour les habitants ; Une cuisine roulante, est installée à la place du marché, prête pour la distribution de la soupe. Nous, les enfants, poussés par la curiosité, nous nous approchons de ces soldats, qui nous paraissent bien bizarres. D’abord, leur tenue, leur façon de s’exprimer nous intriguent. Nous restons là devant, tous étonnés et surtout ravis !                                                                Débarquement en Provence

De voir tant d’animation dans le village, car, à Collioure, en cet automne 42, il ne s’y passait pas grand chose. Il faut dire quand même, que Collioure a toujours été une ville de garnison. Mais maintenant, c’était différent, puisque c’était nos ennemis. Hélas ! Nous n’en voyions pas la différence, car personne ne les a pas empêchés de venir, apparemment, du moins ! Après quelques jours de flottement, les allemands ont commencé à prendre des initiatives. Installations à des endroits stratégiques, de  canons et mitrailleuses. Tout le littoral de la Méditerranée était bardé de barbelés,, et Collioure ne faisait pas exemption. Le sol, était jonché de mines antichars et anti personnelles. Des constructions de murs en béton, devant les plages, subsistent encore en certains endroits, notamment au lieu dit « Le Faubourg ». Les occupants, craignaient un débarquement des alliés en Roussillon ; Les bateaux, qui pratiquaient encore la pêche à ce moment là, étaient obligés de prendre deux sentinelles à leur bord, toute la nuit. Toutes ces contraintes, commencent à peser lourd, ainsi, plus tard, il fut interdit de sortir en mer et obligation de dégager la plage. Tous les sardinals furent tirés sur la place du marché, et la plage ainsi déserte, fut garnie, elle aussi, de fils barbelés. Les ennuis, pour la population, ne faisaient que commencer ? Le chômage aidant, les pécheurs se faisaient embaucher à la société allemande (Todt Génie Militaire) pour les travaux de défense côtière

                 Le fort Miradou

Ce n’était pas la meilleure façon d’aider les alliés, mais, vu les circonstances, il n’y avait pas le choix, sinon c’était la misère pour les familles. Tous les soirs, le couvre-feu était appliqué, et les lumières tamisées dans les rues et ruelles du petit port. Le peu de vin que nous avions, était troqué contre la miche de leur pain noir. Tout été rationné au profit de l’envahisseur ; On se chauffait au bois, on cuisinait au bois.

La troupe s’était installée au Fort du Miradou, et au Château Royal, tandis que les officiers, logeaient dans certaines maisons réquisitionnées. Sur la place des arènes, des garages démontables ont été construits pour abriter tout leurs matériels roulants : voitures, sortes de Jeeps, ainsi que tous leurs camions. Le toril a été transformé en cuisine, où deux autoclaves, fournissaient la soupe à toute la troupe cantonnée dans le bourg. Le 2 février 1944, la préfecture des PO, aux ordres de l’occupant, demande d’instaurer une zone réservée de 15 Km de largeur le long du littoral ; Nous étions chassés de nos habitations ; Il fallait de rendre à l’évidence, Nous avons donc atterri à Thuir en ce janvier 44 et cela a duré jusqu’au moi d’octobre 44, car le débarquement a eu lieu à Fréjus en Provence le 15 Août.


A notre arrivée à Collioure, le village était méconnaissable. L’herbe avait poussé dans les rues. C’est timidement que quelques magasins ont commencé à ouvrir, mais pour vendre quoi ? Tout était rationné ou presque. Avant leur départ, les allemands n’ont hésité à dynamiter le quartier de l’église, ainsi que les quais de Port-Vendres. Dans les écoles, la Croix Rouge nous offrait du pain et du chocolat avec un quart de lait vitaminé. Privilège accordé à tous les enfants des écoles. 

Dans la classe de M° Dadies, où j’étais, trônait un grand tableau noir. Notre instituteur, y avait affiché une carte de l’Allemagne et chaque jour, grâce aux informations des journaux, fixait avec punaises et ficelle, l’avance des alliés et des troupes russes ? Ainsi, on a pu voir l’étau qui se resserrait de plus en plus, autour de ce qu’était cette grande Allemagne du diabolique Hitler, jusqu’à l’écrasement du Reich le 8 mai 1945.

Enfin ! Le cauchemar était terminé, laissant dans certaines familles des traces indélébiles. Souhaitons pour finir, que notre Côte reste toujours vermeille au grand sens du terme et que la paix et le bonheur éclaire notre monde ! ! !

Photos-couleur de Collioure : Le mur anti-débarquement est toujours là le long de la plage du « Faubourg ».Il sert aujourd’hui de soutien au parking en protégeant la route des coups de mer d’est. A gauche L’église des Dominicains .  

La Côte Vermeille est le nom donné à la côte des Albères. Elle commence au sud d'Argelès-sur-Mer sur la plage du Racou et se prolonge jusqu'à la frontière espagnole à Port-Bou en passant par Collioure, Port-Vendres, Banyuls-sur-Mer et Cerbère. Photo Collioure, mitrailleuse. Sudwall : La guerre dans le sud de la France 1939 - 1945, sur l'occupation italienne et allemande.

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