Sa situation dans le cadre
géographique.
Ce
texte veut être, avant tout, une remise en mémoire des longs moments passés au
bord de ce plan d’eau que mon enfance a côtoyé. Le Grau, au Racou, était toujours fréquenté par les pêcheurs à la
ligne, les enfants, les flâneurs, ainsi que par les premiers amateurs de
pique-nique, qui appréciaient ses berges bien ombragées, fleuries d’iris jaune,
et qui laissaient toujours les alentours propres.
Mais revenons à
l’origine : En direction de Collioure juste avant le pont du chemin de fer
là où les voitures sont déviées pour aller à Port-Argelès ou au Racou, on
distingue le torrent du Vall Maria. Bien sûr, son lit est à sec pratiquement
dix mois sur douze, suivant les années, mais, lors de gros grains, il s’enfle
énormément. On peut le suivre le long du « Bois du Général » qui était le nom utilisé par les racouniens, pour
désigner cette propriété qui appartenait au général Bertrand de Balanda,
résidant au Mas Clerc. Le bois est actuellement un camping-caravaning que l’on
aperçoit très aisément depuis la route. En suivant le cours d’eau, on longeait
d’un côté le bois, et de l’autre, les vignes qui arrivaient jusqu’au petit
sentier reliant à l’ombre de magnifiques mûriers, le Racou et Argelès-plage.
L’arrivée au Grau, s’effectuait à l’entrée de la « Commune Libre du Racou ». Facilement reconnaissable car on passe obligatoirement sur le pont qui mène à l’« avenue » appelée : Avinguda de la Torre d’en Sorra. Là, il recueille les eaux du torrent et celles des terrains environnants. Par contre, si l’on se dirigeait vers Argelès plage, toujours à pied, car la route n’existait pas, le sentier était prolongé par un petit pont ou passerelle, en bois très vétuste et branlant, qui franchissait la Massane juste en face de « l’Allée du Racou », première et seule rue permettant d’accéder vers le centre de la plage. Non loin de là, des vaches et des moutons, paissaient dans les prairies aux alentours. Ce sentier était le seul raccourci existant entre les deux plages, bordé à la fois par le Grau et la vigne du mas Clerc. Là, Antoine, l’ouvrier agricole, coiffé de son éternel béret, suivait les « rengleres » (rangées) avec attention, ses vêtements jetés négligemment sur le cadre de son vélomoteur. Il n’hésitait pas à vous interpeller pour faire avec vous une bonne « xerrada » (causette améliorée). Cette vigne, aujourd’hui, est un immense parking, bien apprécié de tous les automobilistes en pleine saison, agrémenté récemment d’un espace de pique-nique ombragé.
L’arrivée au Grau, s’effectuait à l’entrée de la « Commune Libre du Racou ». Facilement reconnaissable car on passe obligatoirement sur le pont qui mène à l’« avenue » appelée : Avinguda de la Torre d’en Sorra. Là, il recueille les eaux du torrent et celles des terrains environnants. Par contre, si l’on se dirigeait vers Argelès plage, toujours à pied, car la route n’existait pas, le sentier était prolongé par un petit pont ou passerelle, en bois très vétuste et branlant, qui franchissait la Massane juste en face de « l’Allée du Racou », première et seule rue permettant d’accéder vers le centre de la plage. Non loin de là, des vaches et des moutons, paissaient dans les prairies aux alentours. Ce sentier était le seul raccourci existant entre les deux plages, bordé à la fois par le Grau et la vigne du mas Clerc. Là, Antoine, l’ouvrier agricole, coiffé de son éternel béret, suivait les « rengleres » (rangées) avec attention, ses vêtements jetés négligemment sur le cadre de son vélomoteur. Il n’hésitait pas à vous interpeller pour faire avec vous une bonne « xerrada » (causette améliorée). Cette vigne, aujourd’hui, est un immense parking, bien apprécié de tous les automobilistes en pleine saison, agrémenté récemment d’un espace de pique-nique ombragé.
Du côté de la mer, les
« senills » ou « canyís » protégeaient les eaux des accumulations
de sable et offraient aux divers volatiles la protection pour leur lieu de
nidification. Les anciens pêcheurs avaient il y a quelque centaines d’années,
édifié des cabanes, dont certaines sont arrivées en assez bon état jusqu’aux
années 1940/1950. Il en existait une toujours bien entretenue, c’était celle
d’Emile Berget, le pêcheur à « l’art » qui y vivait avec
toute sa famille et qui était le spécialiste de la pêche aux
« aspets » (lançons) qu’il vendait à la bolée. Lorsqu’il se
retira, il devint facteur à la poste d’Argelès. (Racó).
Au bord du Grau les premiers campeurs s’installèrent au début des années
1950 pratiquement sur la plage dans des tentes de fortune, puis, cinq à dix ans
plus tard, le camping « Les Luas » vit le jour entre Argelès-plage et
le Racou.
Les baigneurs avaient un autre panorama depuis la plage : en direction du sud, sur la première colline on apercevait la fameuse Torre d’en Sorra, que les troupes allemandes firent exploser le jour du débarquement du 06 juin 1944. Aujourd'hui à sa place se trouve le château d’eau semi-enterré et la table d’orientation qui domine le Racou
Les baigneurs avaient un autre panorama depuis la plage : en direction du sud, sur la première colline on apercevait la fameuse Torre d’en Sorra, que les troupes allemandes firent exploser le jour du débarquement du 06 juin 1944. Aujourd'hui à sa place se trouve le château d’eau semi-enterré et la table d’orientation qui domine le Racou
Être
utile, c’est exister. Là le Grau devenait un centre d’intérêt important pour le
développement de la flore et de la faune du Racou. En effet, dans ses eaux propres, j’ai
connu les premières joies de la pêche à la ligne, initié par des Argelésiens
attirés par le calme et la sérénité du lieu. Le Grau très généreux, donnait à
celui qui avait la connaissance de la technique très simple de l’amorce ou de
l’appât - vers de terre ou boules de
pain - l’occasion de ferrer :
tanches, chevennes, muges ou
mulets, anguilles, turbots,
(Le
turbot, de la grosseur d’une main se pêchait souvent à la main. On traînait ses
pieds dans la vase, puis, lorsqu’on sentait que l’on marchait sur le poisson on
le clouait à l’aide d’une fourchette) pour
ne citer que les plus communs. Ces poissons, étaient gardés vivants dans des
seaux à vendange, afin de les faire
dégorger plus tard dans un bassin d’eau propre, deux à trois jours, pour éviter
un léger goût de vase à la cuisson. Les poissons de mer, muges et loups,
parvenaient parfois, lorsque l’embouchure du Grau était ouverte, à chasser dans
ses eaux poissonneuses.
Il
n’était pas rare en été de voir des groupes de jeunes sous le parasol au bord
du Grau, les lignes dans l’eau, faisant des allées et venues de baignade en
bord de mer pour revenir ensuite surveiller le bouchon.
Les oiseaux très divers et nombreux,
se côtoyaient gros et petits. Presque toute l’année, les poules d’eau
barbotaient au milieu des senills. Idéal
pour abriter le nid, construit sur une plate forme aquatique, et après
la couvaison de 5 à 10 œufs , n’hésitaient pas à évoluer au centre du grau avec
toute la progéniture à la queue-leu-leu.
De même pour les migrateurs, tels les
colverts, sarcelles et autres petits échassiers. Le plus amusant de toute cette
faune ailée, sans aucun doute, était le martin pêcheur, véritable flèche bleu
turquoise qui jaillit avec un cri strident au détour d’un bras de l’étang. Il
fallait le voir évoluer sur la tige flexible d’un roseau ou d’un saule, puis
brutalement plonger en piqué pour ressurgir ensuite, un petit poisson dans son
bec. Mais son repas varie aussi, il est friand d’insectes et de larves
aquatiques. Pratiquement sédentaire, le martin-pêcheur lorsque les eaux qui
l’environnent sont claires, n’hésite pas à creuser son nid sur les rives mêmes
du plan d’eau. Les eaux du Grau
grouillaient d’alevins, de larves, d’insectes, libellules, criquets,
sauterelles aux couleurs variées, ainsi que de nombreuses espèces de batraciens
tels têtards, grenouilles, crapauds, reinettes, mais encore des serpents d’eau.
Tout ceci procurait une nourriture convenable à la faune ailée.
Bien entendu, il faut bien l’avouer les moustiques étaient les rois, maudits par tout le monde, car à la tombée de la nuit leurs bzzzz s’intensifiaient de toute part et la citronnelle coulait à flot. Par la suite la démoustications dès les années 60, a supprimé ce désagrément. (Toute la région étant, à cette époque, infestée de moustiques, un organisme spécifique est créé : l'Entente interdépartementale pour la démoustication) (EID).
Des
histoires anecdotiques du quotidien.
Si à notre
époque le Grau à pratiquement disparu, surtout au point de vue économique, il
n’en était pas de même au 19ième siècle. Chaque deux ans on
affermait la vente des herbages qui poussaient sur ses berges. Le bail à ferme
de l’étang communal se divisait en deux parties bien distinctes : D’une
part la vente des herbages appelés « bogues » (roseau de la
Passion, canne de jonc, rotin, etc…) - qui servaient surtout aux tonneliers
pour assurer l’étanchéité des fûts - et d’autre part le droit aux pêcheurs
professionnels de jeter les filets dans ces eaux. Quant au droit de pêcher à la
ligne, il était exclusivement réservé aux habitants d’Argelès au dire de la
décision du Conseil municipal en date du 7 mai 1886.
Autour du Grau, il se passait
des événements qui, il y a 50/60 ans, étaient tout à fait anodins. De nos jours
les proportions en seraient aggravées en bien ou en mal. Déjà en période de
fortes pluies, lorsque le torrent du Vall Maria et la Massana coulaient des
eaux impétueuses, l’eau montait inexorablement et inondait tout le secteur. De
plus, si la mer était démontée, le Grau
ne pouvait pas s’écouler. Le parking actuel, dans le Racou, servait de bassin
de rétention, donnant l’illusion d’un petit lac. Que faisaient alors les
résidents ? Dès que la mer se calmait un tant soit peu, ils se munissaient
tous de pelles, de racloirs de jardin, avec la ferme intention de libérer le
trop-plein.
Après avoir creusé un petit chenal sur le sable, la pression de l’eau faisait le reste. Très rapidement le passage devenait important, et, au bout de quelques heures (2/3h), le niveau retrouvait sa côte normale. Au moment où l’on « crevait » le Grau, il fallait être attentif à ne pas se faire piéger côté Argelès, car le retour s’effectuait obligatoirement par le sentier Argelès-plage - le Racou après en avoir franchi la passerelle.
Après avoir creusé un petit chenal sur le sable, la pression de l’eau faisait le reste. Très rapidement le passage devenait important, et, au bout de quelques heures (2/3h), le niveau retrouvait sa côte normale. Au moment où l’on « crevait » le Grau, il fallait être attentif à ne pas se faire piéger côté Argelès, car le retour s’effectuait obligatoirement par le sentier Argelès-plage - le Racou après en avoir franchi la passerelle.
Au
cours de ces ouvertures de déversement du trop-plein pratiquées dans la bonne
humeur, sans attribuer la faute à qui que ce soit, sauf au temps, muges et
loups entraient ou sortaient de l’eau douce à la mer, tandis que nous, enfants
et adultes, à l’aide de foënes, d’épuisettes ou parfois à la main, nous
faisions des pêches miraculeuses !
Pour se
faire une idée de ces inondations, fréquentes en hiver à cause des « ventades »
(coups de vent) et des « llevantades » (mer déchaînée, coup de
mer du levant), on voyait les eaux arriver pratiquement jusqu’à la route
actuelle qui traverse le Racou, et les énormes vagues qui se précipitaient dans
le Grau, faisaient passer l’eau de l’autre côté de la route. Etonnant
non ? Et qu’y avait-il de l’autre côté de l’avenue d’en Sorra ?
presque rien, sinon beaucoup de vignes ! Devinez aussi pourquoi l’ancien
hôtel l’Oasis que dirigeaient agréablement leurs propriétaires M. et Mme Jean
Gosset, reposait sur pilotis ?
Toujours
dans les années 50, et plus précisément en février 1956, il y eut dans tout le
sud une vague de froid
inoubliable. Les températures chutèrent jusqu’à moins 15°/17° à Argelès, à tel
point que les eaux du Grau étaient figées sur une bonne épaisseur. Quelle
aubaine pour tous les enfants de l’agglomération qui patinaient dangereusement
sur ce miroir. La glace ainsi formée dura encore quelques jours. De temps en
temps lorsque les hivers étaient assez rigoureux, il y avait de la glace mais elle ne durait pas.
Dans les berges proches de la
mer, mais côté terre-ferme, quelques personnes possédant de petites
barques de deux à trois mètres de long,
pratiquaient de minuscules embarcadères pour les mettre à la fois à l’abri des
coups de mer et des enfants, qui ne manquaient pas de les utiliser comme objets
d’amusements, lorsqu’ils les retournaient sur le sable au bord de la mer, la quille en l’air.
J’ai
souvenance de deux barques chères à mon cœur : la première, celle de mon
père Henri Capeille s’appelait « La Sautillante », la deuxième, celle
de mon beau-père, Georges Farré, portait fièrement le nom de « La
Coquille ». Avec ces embarcations, il nous arrivait parfois lorsque les
eaux inondaient tous les abords, de remonter le Grau à la rame jusqu’aux abords
de la Massana. Dans les bateaux il n’y avait pas de gilet de sauvetage, car on
savait nager ! De toute façon, les enfants et adultes s’amusaient aussi
bien sur la plage que dans la mer, avec
de simples chambres à air. Elles nous rassuraient, tranquillisaient les
parents, et n’avaient rien à voir avec les canards et autres crocodiles en
plastique, qui font fureur de nos jours.
La fréquentation, même au mois
d’août n’était pas symbolique mais presque ! Imaginez : il y a 60
ans, les pêcheurs de Collioure qui utilisaient des filets de corde, venaient au
Racou les laver dans le Grau pour éviter que ceux-ci, ne soient brûlés à force
d’utilisation dans l’eau salée. Cela se passait sur les coups de onze
heure/midi, ils les rinçaient, puis les
laissaient sécher, étalés sur le sable entre le Racou et Argelès-plage. Ils les reprenaient aux alentours de 15h et
repartaient sur Collioure sur ces splendides barques catalanes appelées
« Llaguts de vela ». Vraiment impensable à notre époque.
Trouveraient-ils encore un bout de filet ? Cette description du Grau de mon adolescence est un souvenir gravé à jamais dans ma mémoire!
Notes: - Grau : Embouchure
ou petit canal qui met en communication un étang avec la mer.- Roseau à balais ou phragmites en Français. Plante commune des
étangs, servant à réaliser des protections de tous types, des revêtements
externes de cabanes, etc…- Racou, Racó en catalan
signifie le Coin.
Légendes
photos
- Les premières
tentes des vacanciers des ans 1950, les embarcadères pratiqués au milieu des
senills, mais aussi l’importance de l’étendue du plan d’eau. On remarque que le
sable subissait des remodelages importants dus aux tempêtes littorales. CP Edit
Narbo. Toulouse - Le Grau, vu du
pont. Peinture de Victor Comas de 1958 - Au bord de l'eau la pêche, au menu:
Tanches, chevesnes, etc...- Arrivée à la
Route du Racou : le contexte route-rivière est visible sur cette huile de
Victor Comas datée de 1956. - Émile Berget,
l’ancien p^cheur du Racou et sa fille. - La Torre d'en
Sorra - Navigation sur le Grau - Les pyramides allemandes contre un éventuel
débarquement allié.- La pêche à
l'art au petit matin - Les pêcheurs amateur Henri Capeille et Georges Farré
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