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mardi 9 octobre 2018

Conseil de Révision à Argelès 1960

LE CONSEIL DE RÉVISION D’ARGELES. Ils avaient… 18 ans en 1960 !            A. Capeille

     C’était une cérémonie imposée par la République, dont les adolescents d’aujourd’hui n’ont plus aucune idée ! Lorsque le service militaire était obligatoire, les jeunes de 17/18 ans étaient sélectionnés lors du conseil de révision.  Un rituel particulier qui fait aujourd’hui sourire, dès que l’on raconte à nos enfants et petits-enfants cette aventure.



En fait, elle était attendue par tous avec plus ou moins d’impatience. Quelques mois auparavant on recevait une convocation du centre de recrutement indiquant le jour et le lieu où se faisait la sélection. En principe elle se déroulait au chef-lieu du canton, c’est-à-dire pour les jeunes Argelésiens, à la mairie d’Argelès.
     Dès leur arrivée, ils se trouvaient alignés, en tenue d’Adam, autrement dit nus, devant les autorités militaires. Là, ils étaient passés à la toise, pesés, observés en détail : dentition, vue, infirmités diverses, ceci devant un médecin militaire avec les gendarmes pour assesseurs.
« Après examen, si tout était normal, la formule prononcée était « Bon pour le service ». Les ajournés paraissaient généralement un peu malheureux… Une époque révolue ! 
Mais tous scandaient : Bons pour le service, bons pour les filles !

     Cet examen terminé avec succès dans les locaux officiels, on remettait aux futurs soldats une cocarde tricolore qu’ils plaquaient fièrement sur leur poitrine et qu’ils n’hésitaient pas à exposer dans les rues aux passants, en faisant retentir force coups de clairons et trompettes, entrecoupés  de cris de joie.
     Après la séance photos, les cafés de la place de la République et des rues adjacentes étaient pris d’assaut. La fantasia se poursuivait vers les écoles « en hurlant : on va foutre le b…l à l’école » rendant les jeunes élèves contents, car les cours seraient passablement perturbés ! Mais les enseignants habitués à ce genre de divertissement, se dépêchaient de fermer les portes d’accès à la cour de l’école !
     Les esprits s’échauffaient, les jeunes filles du village courraient se mettre  à l’abri et se cachaient pour ne pas subir,  rien de bien méchant : les embrassades des garçons ! Ce jour-là, plus d’apparitions féminines, jeunes, dans les rues.
Le soir dès la tombée de la nuit c’était une autre histoire ! Si par malheur vous laissiez trainer dans la rue où devant le jardin de la maison, un objet usuel, des ustensiles agricoles, des charrettes, vous retrouviez tout ça le lendemain matin entassé devant les portes de la mairie, qui, à l’époque, se situait sur la place au centre du vieux village.
     Toutes ces péripéties, ne plaisaient pas à tout le monde, dans la semaine les joyeux conscrits se voyaient convoqués à la mairie pour y être admonestés par les autorités, et bien sûr, ils promettaient tous de ne pas recommencer ! Ce qui était l’évidence même.

     C’est donc en parlant de ses souvenirs là, qu’un Argelésien m’a transmis cette photo datant de 1960 où beaucoup se reconnaitront, certains malheureusement ont quitté ce monde. Ces conscrits d’Argelès furent certainement les derniers a être « révisés » car cette pratique du conseil de révision disparaîtra à la fin de l'année 1960.
Quelques traits anecdotiques racontés par ces ex-conscrits :
     Vicente jouait de la trompette à la clique d’Argelès, et pour s’entraîner, il montait à son grenier, ouvrait la trappe du toit, et soufflait dans son instrument face au ciel. Les gens des alentours se demandaient toujours  si c’était la banda qui défilait dans les rues.
     Gabriel Bria, sur la photo, tient un instrument qui n’est autre qu’un trombone à coulisse, tandis que le clairon est entre les mains de Pérez. Tous deux, laissaient parfois échapper involontairement quelques notes irrécupérables !
     Marcel Farré se souvient de leur visite à la maison des parents de Vicente où ils arrosaient leurs gosiers asséchés par les événements. « Les flacons de « vi ranci » voyaient leur niveau baisser allégrement et éméchaient les buveurs ».
     Pierre Aylagas nous rappelle que le préfet qui assistait au défilé des candidats (nus) au conseil de révision s’exclame  « Les candidats sont petits ! C’est normal, ce sont des pêcheurs ! C’est une bonne chose pour la stabilité des bateaux de pêche ! ». Bien sûr, aucun de nous n’était pêcheur !... et nous n’étions pas petits ! 
     René Belmas, n’oublie pas les efforts déployés par tous afin d’amener la charrette du bas du Carrer Llarg jusqu’au centre de la place, en essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller les dormeur, qui connaissaient eux aussi la même tradition mainte et mainte fois renouvelée. « On devinait les regards qui nous suivaient au travers des volets légèrement entrebâillés ».
     Jean-Pierre Auriach  se souvient l’achat des cocardes de « Bon pour le service », vendues dès la sortie de la visite d’incorporation, achetées puis agrafées sur les habits des futurs soldats. Mais ce qui l’a le plus marqué, c’est de se trouver nu, « au garde à vous » sous la toise devant une femme, médecin, bien entendu !
Cocarde et Agrafe de J.P. Auriach « Bon pour les filles » « Vive la classe ».
 

Photo ©Studio Jacky de Céret. Voici donc sur la photo, prise à coté de la boucherie Fabre place de l’ancienne mairie, les noms de ces valeureux argelésiens examinés « bons pour le service actif » 

De g. à d. au 2ième rang  -  Escargueil – Lucien Roigt – Jérôme Dombis – Marcel Farré – Jacques Maury – Jean Llose – Pons – Jean-Pierre Auriach – Gabriel Bria avec le trombone à coulisse –  Pierre Vicente.
Au 1er rang -  Alain Farriol – Copain – Pierre Aylagas – René Belmas – Francis Armangau – Francis Perez et son clairon.

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