Christian Baillet.
Endormi
à minuit et demi sur la route N.7 sur sa charrette sans lumière. Ou l’une
des premières contraventions infligée à un Sorédien.
Le 29 août 1871,
Au nom du peuple Français, le tribunal de
simple police du canton de Céret a rendu
le jugement dont la teneur suit : Nous Jules E., juge de Paix du canton de
Céret assisté de Monsieur Félix F., greffier étant en autre prétoire ordinaire
sis à la mairie de Céret y tenant audiences publiques de simple police demande
au Sieur Joseph P. âgé de trente-trois ans charretier domicilié à Sorède cité
par exploit de faire ……suivant procès-verbal dressés par C.M. brigadier
gendarme à Saint Genis le deux septembre dernier, enregistré dont lecture a été donné à haute
voix par le greffier, il est constaté que le défenseur conduisait une charrette
non éclairée et s’y trouvait couché et contrairement aux articles 14 et 18 du
décret de 1852 sur le roulage. Le défenseur a fait défaut : le ministère
public a résumé l’affaire et a conclu à ce que le défenseur fut déclaré
atteint et convaincu des contraventions
à lui imputer et que pour réparation il fut condamné aux peines de la
loi Art .14 : tous les voituriers et conducteurs doivent se
tenir constamment à portée de ces chevaux ou bêtes de trait et en prévision de
les guider Art.15 : aucune voiture marchant isolement ou en tête d’un
convoi ne pourra circuler la nuit sans être pourvu d’un falot ou d’une lanterne
allumée. Art .5 : toutes contraventions au règlement prises en
exécution est punie d’une amende de 6 à 10 francs et l’emprisonnement de un à
trois jours.
A la requête de Monsieur le commissaire de
police du canton de Céret…..
Cette
lettre retranscrit en termes conventionnels une contravention infligée à un
charretier Sorédien, en 1871. La situation peut paraître particulièrement
cocasse compte tenu des circonstances qui sont relevées.
Mon propos n’est pas d’inventer des récits
pour la circonstance mais comment ne pas s’imaginer la scène de cet
infortuné « chauffard de la route », autrement que par une histoire
fictive. On devine aisément ce pauvre homme qui de retour d’une soirée
certainement « bien arrosée », s’est assoupi et s’en est remis à son
cheval pour rentrer chez lui mais qui contre toute attente, et à son corps
défendant, se retrouve verbalisé sans réellement saisir les motifs qui lui sont
reprochés !
Mais
n’épiloguons pas plus longtemps et examinons plutôt le contenu de cette lettre.
Concernant le type de route empruntée, notons qu’il s’agit d’une route vicinale
ordinaire. A cette époque, le réseau routier n’est pas encore très développé.
En dehors de la route impériale, (ex D914 elle-même ex N114), il se limite à
quelques chemins vicinaux ordinaires où le trafic est quasiment nul. Il y a
donc peu de risques d’accident. Toujours à cet effet, il convient d’ajouter
qu’en 1878, un état a été réalisé par les services municipaux en vue
d’éventuelles réquisitions de ces moyens de locomotion. Deux voitures
« tractées par à deux chevaux » et une autre « tractée par un
seul cheval » y sont consignées. Un peu plus tard en 1886, le nombre
s’élèvera à 33 attelages ; soit au total un nombre insignifiant de véhicules
au regard de la circulation. Pour toutes
ces raisons, il n’y avait donc pas péril en la demeure !
Sur le plan législatif et administratif ce
courrier laisse apparaître d’autres lacunes. Le décret de lois de 1852, invoqué
dans ce document, relève en effet de nombreux cas d’infractions mais ne donne
aucune directive en matière de sanctions encourues. Ceci est d’autant plus
paradoxal, que ces mêmes textes font état que « la peine d’emprisonnement
n’est requise qu'en cas de rébellion, et de voies de fait envers les agents du
contrôle ». Les sanctions ne semblent donc que peu ou pas appliquées.
Seule la confiscation des chevaux étant semble-t-il l’unique punition
susceptible d’être infligée dans ce cas. On est donc en droit de se poser la
question sur le bien-fondé d’une telle sanction.
Avec le recul du temps, on ne peut
s’empêcher de trouver cette verbalisation abusive compte tenu du peu de gravité
des faits et du contexte de l’époque.
Photo Transport en charrette au début du
20ème siècle. - Extrait des minutes
du greffe du tribunal de simple
police du canton de Céret, en 1871.
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