De Cerbère au Pic Neulos et de la Tour Massana au Boulou. Histoire, Patrimoine monumental et Naturel. Vie quotidienne. Événements. Revues et Livres. Littérature. Gastronomie et Vins.

mardi 9 octobre 2018

Sorède - Sureda

UNE CONTRAVENTION EN CHARRETTE en 1871 !

Christian Baillet. 
     Endormi  à minuit et demi sur la route N.7 sur sa charrette sans lumière. Ou l’une des premières contraventions infligée à un Sorédien.            
Le 29 août 1871,
     Au nom du peuple Français, le tribunal de simple police du canton de Céret a  rendu le jugement dont la teneur suit : Nous Jules E., juge de Paix du canton de Céret assisté de Monsieur Félix F., greffier étant en autre prétoire ordinaire sis à la mairie de Céret y tenant audiences publiques de simple police demande au Sieur Joseph P. âgé de trente-trois ans charretier domicilié à Sorède cité par exploit de faire ……suivant procès-verbal dressés par C.M. brigadier gendarme à Saint Genis le deux septembre dernier,  enregistré dont lecture a été donné à haute voix par le greffier, il est constaté que le défenseur conduisait une charrette non éclairée et s’y trouvait couché et contrairement aux articles 14 et 18 du décret de 1852 sur le roulage. Le défenseur a fait défaut : le ministère public a résumé l’affaire et a conclu à ce que le défenseur fut déclaré atteint  et convaincu des contraventions à lui imputer et que pour réparation il fut condamné aux peines de la loi Art .14 : tous les voituriers et conducteurs doivent se tenir constamment à portée de ces chevaux ou bêtes de trait et en prévision de les guider Art.15 : aucune voiture marchant isolement ou en tête d’un convoi ne pourra circuler la nuit sans être pourvu d’un falot ou d’une lanterne allumée. Art .5 : toutes contraventions au règlement prises en exécution est punie d’une amende de 6 à 10 francs et l’emprisonnement de un à trois jours.
     A la requête de Monsieur le commissaire de police du canton de Céret…..

     Cette lettre retranscrit en termes conventionnels une contravention infligée à un charretier Sorédien, en 1871. La situation peut paraître particulièrement cocasse compte tenu des circonstances qui sont relevées.
     Mon propos n’est pas d’inventer des récits pour la circonstance mais comment ne pas s’imaginer la scène de cet infortuné « chauffard de la route », autrement que par une histoire fictive. On devine aisément ce pauvre homme qui de retour d’une soirée certainement « bien arrosée », s’est assoupi et s’en est remis à son cheval pour rentrer chez lui mais qui contre toute attente, et à son corps défendant, se retrouve verbalisé sans réellement saisir les motifs qui lui sont reprochés !
Mais n’épiloguons pas plus longtemps et examinons plutôt le contenu de cette lettre. Concernant le type de route empruntée, notons qu’il s’agit d’une route vicinale ordinaire. A cette époque, le réseau routier n’est pas encore très développé. En dehors de la route impériale, (ex D914 elle-même ex N114), il se limite à quelques chemins vicinaux ordinaires où le trafic est quasiment nul. Il y a donc peu de risques d’accident. Toujours à cet effet, il convient d’ajouter qu’en 1878, un état a été réalisé par les services municipaux en vue d’éventuelles réquisitions de ces moyens de locomotion. Deux voitures « tractées par à deux chevaux » et une autre « tractée par un seul cheval » y sont consignées. Un peu plus tard en 1886, le nombre s’élèvera à 33 attelages ; soit au total un nombre insignifiant de véhicules au regard de la circulation.  Pour toutes ces raisons, il n’y avait donc pas péril en la demeure !
     Sur le plan législatif et administratif ce courrier laisse apparaître d’autres lacunes. Le décret de lois de 1852, invoqué dans ce document, relève en effet de nombreux cas d’infractions mais ne donne aucune directive en matière de sanctions encourues. Ceci est d’autant plus paradoxal, que ces mêmes textes font état que « la peine d’emprisonnement n’est requise qu'en cas de rébellion, et de voies de fait envers les agents du contrôle ». Les sanctions ne semblent donc que peu ou pas appliquées. Seule la confiscation des chevaux étant semble-t-il l’unique punition susceptible d’être infligée dans ce cas. On est donc en droit de se poser la question sur le bien-fondé d’une telle sanction.
     Avec le recul du temps, on ne peut s’empêcher de trouver cette verbalisation abusive compte tenu du peu de gravité des faits et du contexte de l’époque.
Photo Transport en  charrette au début du 20ème siècle. -  Extrait des minutes du greffe du tribunal de simple police du canton de Céret, en 1871.

Aucun commentaire: