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jeudi 30 septembre 2021

Conte d'un Noêl ordinaire

      Notre ami  André Vinas est décédé le mercredi 08 mars 2017 à l’âge de 92 ans. 

Membre fondateur de Massana depuis les années 1980, il participa à l’élaboration de la revue et était notre correcteur jusqu’en 2016. Ensuite la maladie a pris le dessus sur sa vie quotidienne ce qui entrainait de nombreuses difficultés pour lui-même et sa famille. Mais avant de nous quitter, il avait tenu à donner aux lecteurs de Massana-Albera, ce dernier écrit « Conte d’un Noël ordinaire »
     Photo : André Vinas, chez lui au Mas Catherine d’Argelès, en juin 2015, sous le portrait d’Anne-Marie Monié son épouse.  Le journal l'Indépendant rend hommage à cet écrivain.


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CONTE D’UN NOËL ORDINAIRE. André Vinas
Ce texte a été publié par la revue Massana-Albera, numéro 55, en 2017.
Comme elle entendait son mari taper ses sabots sur le seuil de la porte, en bas, Mélanie cria depuis la cuisine :
« Ils sont partis ? »
- « Ils sont partis... ils m’ont donné une bouteille pour me remercier de m’occuper des vaches »
« Ah bon. Mais ferme vite la porte. Avec toute cette neige ... »
Bonaventure continuait de taper ses sabots sur le granit. « C’est vrai que ça pince ! » se disait-il. La neige scintillait dans la cour. Il entra dans la pénombre de ce rez-de-chaussée qui servait en même temps d’étable pour les deux vaches qu’il avait encore et dont la chaleur chauffait presque à elle seule l’étage où il vivait avec sa femme. Il posa la bouteille de blanquette, debout derrière la porte. à terre, contre la muraille.
Joseph et Victorine étaient donc partis avec leur fils venu de la plaine en voiture pour les emmener passer la Noël chez lui. Ils avaient d’abord refusé, non sans regret, à cause des vaches. Mais quand Bonaventure avait dit qu’il s’en occuperait, après encore quelques manières, comme ça, pour la forme, pour le plaisir de se faire prier, ils avaient cédé, bien contents de le faire; et voilà, le fils était monté la veille au soir. Il avait donné un coup de main au rangement indispensable de la maison et aux bagages à emporter. Tous les trois, après le repas de midi, étaient venus embrasser Mélanie qui avait servi le café. Une fois offert le traditionnel petit verre d’eau-de-vie, Bonaventure les avait accompagnés jusqu’au portail de leur ferme dont Joseph lui avait remis les clés, et la voiture s’était lentement engagée dans la pente, en faisant craquer le verglas. Bonaventure était revenu vers sa maison à pas prudents, les pas de quelqu’un habitué à marcher sur un sol glissant. Le jour tombait déjà et le soleil, prompt à disparaître, faisait briller encore davantage la neige.

Ils étaient seuls maintenant, elle, menue, le visage épargné par l’âge, toute vêtue de noir, et lui, la casquette vissée sur ses cheveux blanchis depuis peu, alors que sa moustache à la Vercingétorix, était encore noire, seuls donc avec la solitude et le froid autour des bâtiments gris que la neige faisait paraître plus gris, au crépis rongé par le temps. Des chandelles de glace pendaient des lloses des toitures et un fourreau éclatant entourait le jet de la fontaine qui ne gazouillait plus. Seuls les volets encore ouverts et la fumée de la cheminée signaleraient leur présence non pas aux passants car il ne passerait personne, sauf s’il arrivait un événement grave, mais aux autres hameaux accrochés à la pente des champs et qui composaient le village qu’une nuit glaciale allait envelopper.

La bouffée de chaleur que sa maison lui avait lancée à la figure, avec l’odeur familière des vaches, quand il avait ouvert la porte, lui avait fait plaisir et c’est pourquoi il s’attardait à taper ses sabots sur le granit du seuil tandis que là-haut Mélanie s’impatientait :
« Mais ferme cette porte, bon sang ! Tu finiras bien par prendre mal ! »
- Ça va, ça va ! grommela-t-il en fermant la porte qui grinça sur ses gonds.
En revenant de chez Joseph dont le chien le suivait pour aller se coucher dans l’étable, il avait observé les traces de pas dans la neige. Des empreintes petites, des pas de femmes. Et ceux de Mélanie, qui venaient de sa maison. Toutes ces traces conduisaient à l’église, ou plutôt au cimetière car l’église était fermée. Plus de prêtre depuis longtemps déjà et plus de maître d’école aussi. Mais des femmes étaient venues faire visite à leurs morts en cette veille de fête. Et Mélanie aussi était venue et Victorine aussi avant de partir avec son fils pour la plaine.

Bonaventure n’était pas content. Ils avaient cru, sa femme et lui, que leurs voisins ne partiraient pas, qu’ils passeraient la nuit de Noël ensemble; à faire une longue partie de cartes d’abord et leur petit réveillon ensuite; mais ils étaient bel et bien partis et eux restaient seuls avec les vaches, les chiens et les chats (leurs animaux et ceux de Joseph, bien sûr). Et il fallait se faire à l’idée que personne ne passerait, d’autant plus qu’en prévision d’un coup de mauvais temps toujours possible, les femmes étaient venues au cimetière le matin.
Avant de monter à l’étage où il entendait Mélanie vaquer de la salle commune à la chambre, car elle se trouvait toujours quelque chose à faire, il s’approcha de ses deux vaches qui lentement broutaient leur herbe à la mangeoire, Estellada et Cardine qui suffisaient à leurs besoins pour le lait et les fromages et pour ramener le bois de la forêt et les fourrages fauchés aux quelques pièces de prairie encore exploitées. Il flattait de la main leur échine et leur mufle, l’une après l’autre, et les bêtes le regardaient avec un calme que l’on pouvait prendre pour du contentement. Alors il commença de monter l’escalier de bois luisant dont les marches geignaient sous ses sabots et émergea dans la salle où la cuisinière basse (on n’en voit plus beaucoup aujourd’hui), toute en fonte, ronflait et égayait la pièce de ses rougeoiements.
« Alors ils sont partis » dit Mélanie.
« Ils sont partis. Leurs vaches n’ont besoin de rien, jusqu’à demain. Le chien est revenu avec moi. Il est en bas »
Il s’assit et posa ses mains bien à plat sur le velours de son pantalon...
Mais pourquoi raconter tout cela, la porte qui grince, l’escalier luisant qui craque sous les sabots de Bonaventure, la cuisinière en fonte, ronflant doucement et jetant des lueurs de sang à travers ses micas, et ajouter encore que Mélanie qui s’est enfin assise près de la cuisinière, le chien lové à ses pieds, et qui grignote, déguste plutôt, un “Petit Beurre”, une de ses gourmandises... Pourquoi raconter tout cela et aussi ce qui précède, sans oublier le chat Pilou étiré sur le bahut près de la fenêtre, sans oublier non plus le départ de Joseph et de Victorine; cette solitude et ce froid, banalités désarmantes, communes à tout le village et à bien d’autres villages des hauts pays, de tous les hauts pays abandonnés? Sinon pour dire que ces gens vont passer Noël comme un jour ordinaire dont on aurait bien pu ne pas parler.

Joseph et Victorine, eux, ont eu de la chance. Leur fils est venu les chercher. Même qu’ils sont partis avec leurs beaux habits, les mêmes que pour le mariage du fils, et que Victorine avait suspendus dehors tout un jour pour qu’ils sentent moins fort la lavande de l’armoire. Et Joseph a mis une cravate et Victorine son chapeau à fleurs. Ça aussi c’est banal, mais pour eux au moins ce n’est pas banal car Noël ne sera pas un jour ordinaire.
La nuit maintenant tombe très vite. Bonaventure est redescendu chercher quelques bûches pour la veillée. Quand il est remonté, Il a vu Mélanie qui battait des œufs dans un saladier.
« Qu’est-ce que tu fais ? » Qu’il a dit.
« Je vais faire des beignets de pomme. C’est Noël aussi pour nous, même si nous sommes seuls. Tu devrais couper quelques tranches de jambon. On mangera des rostes (lard grillé). Et j’ai un bocal de pêches au sirop »
« Si tu veux », dit-il sans enthousiasme.
En allant vers la resserre où se trouve le jambon, il regarde à travers la fenêtre encadrée de givre. Au-dessus des trois sapins et de la montagne qui domine tout le village, les étoiles scintillent comme tout à l’heure la neige scintillait. Très haut, des parois de glace font ressembler la cime à une cathédrale. Mais ce qui attire surtout l’attention de Bonaventure, c’est une couleur d’argent sur des murailles pas comme les autres.
« Viens voir, Lanie, viens voir ! Les fées ont étendu leur linge là-haut! Malgré le froid ! »
Mélanie s’approche. Elle colle son front à la vitre.
« C’est pourtant vrai » dit-elle en se signant. « Les fées sont de sortie. Elles ne craignent pas le froid et leur linge ne gèle pas ! La nuit sera belle et bonne. Peut-être viendront-elles sonner la cloche, qui sait ! Notre fille n’est pas venue, mais les fées sont là, au-dessus de notre maison »

Lui, hausse les épaules. Les fées ! Il avait parlé pour plaisanter. Pourtant ces plaques d’argent l’intriguent. On parle souvent des fées ici. Ses parents en parlaient. Sa mère et sa grand-mère surtout, et la tante Julita qui racontait volontiers qu’elles lui avaient fait escorte un jour d’orage dans la haute vallée où elle était montée porter le sel aux bêtes car son mari était malade. Les hommes hochaient la tête sans prendre vraiment parti. Mais les bergers, eux, y croyaient. Et chacun avait son mot à dire, son histoire à raconter !

Soigneusement Bonaventure coupe les tranches de jambon. Il sort d’un placard une bouteille de vieux Maury, cadeau d’un bûcheron de la plaine, à qui il a rendu service. Il garde le mousseux de Joseph pour le boire à leur retour dans la joie des retrouvailles.
Mélanie met les couverts et voilà qu’il faut qu’elle parle :
« La petite aurait pu venir » bougonne-t-elle. -
Mais non, dit l’homme. « Ils sont trop loin. Tu ne te rends pas compte où c’est, la Guadeloupe, surtout en hiver ! »
Il l’affirme d’autant plus fermement qu’il n’en est pas vraiment sûr. C’est vrai que les visites de leur fille sont rares ! La situation du gendre oblige. Mais tout de même. Voilà que leur petit-fils, c’est comme s’ils ne le connaissaient pas ! Et leur maison non plus, ils ne la connaissent pas ! Il aurait préféré que Mélanie ne dise rien, qu’ils se contentent de penser tous les deux la même chose, sans rien dire. « Tu verras, ils viendront pour Pâques et d’ailleurs ils vont écrire pour le Nouvel An ! » Et de cela non plus, il n’est pas du tout sûr, mais il faut bien dire quelque chose, sinon Mélanie va fondre en larmes ! Et ce sera un drôle de Noël !

" Regarde, Lanie, les fées sont toujours là-haut, même que la lumière est encore plus brillante »
Elle regarde, les yeux déjà humides.
« Elles auraient pu dire à la petite de venir ! »
- Elles ne sont pas en Guadeloupe, les fées, mais simplement sur notre village ! Allons, ne va pas gâcher tes beignets et tes rostes !
- Tu as raison, dit-elle en reniflant, tu as raison, c’est trop loin la Guadeloupe !

Ils ont mangé lentement les beignets craquants à souhait, puis les rostes qui s’accordent très bien avec le vieux Maury dont il reste juste assez pour accompagner les pêches au sirop... Bonaventure prendra un verre de marc dans lequel il fera tremper un sucre pour sa femme... et ainsi la nuit s’avance autour de la maison enveloppée de froid et de cette lumière insolite tombée du haut des monts, la lumière des fées. Et voici que le vent fait claquer les volets et casse des chandelles de glace au ras du toit. Ils sont serrés l’un contre l’autre près du feu, le chien à leurs pieds, le chat toujours endormi sur le bahut. De temps en temps, les sabots des vaches frappent sur les dalles d’en bas. Eux lâchent parfois quelque parole qui rappelle l’enfance de la petite, quelque parole capable de les faire sourire pendant que cette veillée à demi somnolente s’étire, jusqu’au moment où la cloche les tire de leur torpeur.
« Ce sont les fées, dit Mélanie toute tremblante, ce sont les fées !
-Tu vois, Mélanie, elles sont venues jusque-là, te souhaiter un joyeux Noël ! »

Bonaventure n’en croit pas un mot, mais il faut bien qu’elle ait son moment de joie, sa pauvre vieille pour qui la Guadeloupe est bien trop loin du village sans téléphone et sans télévision, sauf chez le maire !...
Enfin tous les deux iront se coucher car ils n’ont rien d’autre à faire pour cette veillée ordinaire et pas tout à fait ordinaire pourtant à cause des fées, et, au soleil à peine levé, il faudra rallumer le feu avant que les braises ne meurent et s’occuper des vaches, les leurs qui commenceront à s’agiter devant leur mangeoire vide, et celles de Joseph qui là-bas, dans la plaine, doit penser à elles et regrette peut-être de les avoir laissées...

mercredi 22 septembre 2021

Fête à Argelès : Sts Côme et Damien

ARGELES SUR MER - FESTA DELS SANTS COSME I DAMIÁ 

Du 24 au 26 septembre, Argelès-sur-Mer fêtera ses saints patrons Côme et Damien à travers de nombreux rendez-vous festifs et ludiques. La légende veut qu’au XVIIe, Argelès fut touchée par une épidémie de peste. Elle cessa le jour de la fête des saints, le 27 septembre 1652 et la population fit alors le vœu d’effectuer chaque année une procession solennelle pour les honorer... 
     Aujourd’hui, la Saint- Côme et Saint-Damien est une véritable fête populaire, qui réunit à l'entrée de l'automne Argelésiens et locaux.
     La Festa Major met à l’honneur cette année son patrimoine culturel et ses traditions avec Castellers, Gegants, Bandas, Cobles et Sardanes, mais également son patrimoine naturel, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco à travers la hêtraie de la Massane.
     Trois jours de fête au cœur du village à ne pas manquer, avec notamment l’incontournable Cabaret des Argelésiens, du street art et une mystérieuse chasse aux fantômes…


Lettre info Mairie d'Argelès-sur-Mer du 22 septembre 2021.


samedi 4 septembre 2021

Le Marquis d'Oms par Christian Baillet

 Le nouvel ouvrage de Christian Baillet.

Durant de nombreuses années, Christian Baillet, de Sorède, a participé à l'excellente renommée de la revue Massana - Albera. Aujourd'hui il achève son étude dans un livre intitulé : le Marquis d'Oms. Nul doute que cet ouvrage sera très apprécié des amateurs de l'histoire du Roussillon. Vous est présenté ce jour l'article de Jean-Louis Gary,retraçant la destinée du Marquis d'Oms de 1722 à 1807, paru dans l'Indépendant du 05 septembre 2021.


Extrait du journal l'Indépendant du dimanche 5 septembre en chronique de Sorède.