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mardi 27 juillet 2021

Figueres, une journée dans la viile.

 UNE  JOURNÉE  A  FIGUERES
Armand Aloujes 

   Au début des années cinquante, il n’était pas aisé de franchir la frontière franco- espagnole. Rares, étaient ceux qui s’y aventuraient, en dehors des transporteurs, hommes d’affaires, commerciaux, et 

peut-être, certains, qui avaient la complaisance des autorités. Il fallait donc montrer patte blanche. Les carabiniers espagnols, avec leur casque bizarre, armés jusqu’aux dents, veillaient au trafic transfrontalier. La Catalogne, intégrée involontairement à la nouvelle Espagne, devait se soumettre aux nouvelles lois du Caudillo. L’Empordà, sœur de notre Roussillon, vivait ainsi dans un autre monde, un monde qui n’était pas le sien, et, que nous, roussillonnais, nous ne connaissions pas. Cette région en était l’extrémité, le bout ! Aussi, lorsqu’on décréta qu’on pouvait aller de l’autre côté, à l’occasion de la fête de Figueres, grâce à un voyage organisé par la SNCF, mon épouse et moi, et certains amis, n’avons pas hésité, pour franchir le pas. Dans les cafés de Collioure, de grandes affiches attiraient l’attention, en faveur de cette fête, et en relataient le programme : «El primer de mayo, féria i fiesta de la Santa Cruz, con tardes de toros del cartel de Madrid. Balle popular, mercat agricola : » ! (Tout cela écrit bien sur en castillan ) Donc, c’est dans ce contexte, que nous nous sommes apprêtés, le jour venu, à prendre le train, vers ce qui était pour nous, une grande inconnue ! L’ambiance était bonne, imprégnée par la joie d’une découverte, et le bonheur d’une aventure inattendue ! Départ, sept heures du matin. Il fait beau en ce premier jour de mai. Espérons qu’il en sera ainsi jusqu’au soir. Déjà, beaucoup de voyageurs occupent certains wagons. Nous en récupérons d’autres à Port-Vendres, et Banyuls. A Port-Bou, il faut changer de train. Contrôle des papiers, carte d’identité ou livret de famille, puis questionnaire classique selon le gout ou la méfiance des policiers ! Bref, après moltes tergiversations, chacun prend sa place, et le train peut démarrer.

     Non sans mal, la première étape est franchie. Cette fois-ci, nous y sommes dans cet autre monde ! Eh bien donc, profitons du paysage !…En fait, il ressemble au notre. Aucune surprise de ce côté-là, rien d’extraordinaire ; Des collines boisées, où on cultive vignes et oliviers, des champs, des prairies où paissent des bovins, une route qui longe la voie ferrée, rien de surnaturel. Nous sommes plus préoccupés par le train, qui déambule lentement et nous secoue au passage des roues entre deux portions de rail. Tiens ! Voilà un village à l’horizon : Vilajuïga nous accueille, sans explication, on nous met dans une voie de garage, en face la gare. Que peut-il se passer ? Va-t-on passer la Santa-Cruz à Vilajuïga ? La réponse nous vient d’un autre train prioritaire, à qui nous devons la liberté de passage. Nos amis, eux, n’ont pas été pris au dépourvu, ils font une partie de cartes. Le train repart enfin ! A cette allure, nous arriverons à destination vers midi, alors que nous sommes partis de Collioure à sept heures du matin. Ce retard, n’a pas altéré malgré tout l’ambiance ! Les derniers kilomètres avalés, nous voici, nous voici donc au centre de ce monde, tant attendu ! Pendant que mon épouse et nos amis cherchent un restaurent, je m’empresse d’aller acheter les billets pour la corrida. Au cartel, un certain Paco Bernal, que nous avons eu le plaisir de le voir toréer à Collioure (coïncidence) Le repas a été vite avalé. Au menu : riz a l’espagnole, comme il se doit. Ce jour-là, on ne peut pas être trop gastronome. Encore heureux d’être servis. L’impression d’être dans cette ville, attire ma curiosité. En fait, c’était plutôt un grand bourg à l’époque. A part le centre-ville, beaucoup de rues n’étaient pas pavées, ni goudronnées. Cela sentait la campagne. Les quelques voitures qui circulaient, semblaient ignorer le code de la route. En ce jour de fête, touristes et habitants se bousculaient dans les rues, sur les trottoirs.   Les terrasses des cafés, autour de la Rambla ne désemplissaient pas. On discutait, on parlait à tue-tête, on commentait les heureux événements de la fête, accompagnant le geste à la parole, tout cela, devant une anisette bien fraîche, ou encore une cerveza (bière)

     Quelques militaires en permission, de la caserne St Clément, faisaient partie des passants, heureux de profiter de la fête ! Mais, c’était surtout les magasins et les étalages qui attiraient les promeneurs. Toutes sortes d’affaires, à des prix concurrentiels, attirant surtout la gente féminine. Il suffisait de changer les francs contre des pesetas ! 
 
 Photos A.C. : De nos jours à Figueres, Église et place del Rei Jaume Ier   
     L’heure de la course arrive, les gradins sont bien remplis et le spectacle peut commencer. Dans l’ensemble, on peut dire qu’il ne nous a pas trop déçus. Beaucoup de nos compatriotes ont préféré parcourir les vallées, où les paysans proposaient des nouveaux plants ou graines, Bref ! Chacun a puisé en l’événement, tout ce qui a pu l’intéresser et cela, dans plusieurs domaines. Nous avons été gavés, de bruits, de cris, d’images, de sensation, nous avons satisfait notre curiosité, de voir pour la première fois, un autre pays, des gens, dont leur façon de vivre, est après tout comme le nôtre, et que l’on ne soupçonnait pas. Nous avons comblé cette ignorance et emporté ces petits souvenirs, anodins, naturels, mais combien instructifs, de ce petit coin de Catalogne, qui vivait alors en circuit fermé. L’histoire de ce pays, est aussi notre histoire. Que penser aujourd’hui de tout cela, à l’heure du T G V de l’avion supersonique De l’ordinateur et surtout de l’abolition des frontières ?
C’est vraiment un monde nouveau, qui vient de naître pour notre génération  Apprécions-en l’opportunité                                                                                                               

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